Innover, oui, mais à quels prix !

Les trapézistes de la troupe Richter viennent de Hongrie. Le 24 janvier 2018 ils se sont vus décerner le Clown d’Or au Festival du Cirque de Monte Carlo. C’est une équipe soudée qui ose ne plus avoir les pieds sur terre quelques instants. Leur but est de nous offrir une expérience haletante, surprenante et performante. De retour sur terre, nous ressentons leur joie d’avoir réussi ensemble cette figure périlleuse.

Avant d’atteindre cet exploit, il y en a eu des chutes ou encore des confrontations sur le comment faire quelque chose de nouveau sans mettre en danger l’ensemble de l’organisation. Mais le résultat est là, le public vient car ce spectacle fait vibrer. Il est innovant.

Les trapézistes sont des artistes. Les salariés des organisations ont également chacun plusieurs talents. Il y a les visionnaires, les organisés, les empathiques, les participatifs et tellement d’autres compétences à découvrir chez chaque collaborateur. Tous ont un rôle important dans l’innovation. Chacun à sa manière va devoir allier savoir être et savoir faire pour initier un processus propice à innover.

Commençons par répondre à une question que l’on me pose régulièrement. Quelle différence faites vous entre innover et créer ? Je reprends simplement les définitions d’un écrivain britannique : Ken Robinson pour la créativité et de l’organisation internationale l’OCDE pour l’innovation

  • créer c’est « avoir des idées nouvelles qui apportent de la valeur ».
  • innover c’est « la mise en œuvre d’un produit (bien ou service) ou d’un procédé nouveau ou sensiblement amélioré, d’une nouvelle méthode de commercialisation ou d’une nouvelle méthode organisationnelle dans les pratiques de l’entreprise, l’organisation du lieu de travail ou les relations extérieures. »1

L’innovation est donc indissociable de la créativité. A contrario, il est possible d’avoir de la créativité sans innovation.

Partant de ce postulat nous prenons conscience que nous pouvons voir ces trapézistes ou autres artistes, comédiens, musiciens, danseurs… une fois, deux fois ou trois fois ce ne sera jamais le même spectacle. Ils feront un peu plus de ce qu’ils font ou retireront un élément pour toujours être au plus juste, jusqu’au moment où à force d’expérimenter, une idée nouvelle émergera et entraînera un nouveau spectacle.

Pour les processus d’innovation, il en est de même. En effet, il existe deux niveaux :

  • une innovation d’incrémentation : amélioration de l’existant
  • une innovation de rupture : changement radical ou saut technologie

Dans des environnements propices à l’innovation où tous les acteurs de l’organisation  sont concernés, l’innovation de rupture née de l’incrémentation. Elle ne se décrète pas par une autorité, mais elle se révèle à l’émulsion d’une réflexion collective. Nous sommes alors dans une dynamique positive et favorable à sa réussite, puisque certaines valeurs adéquates sont partagées par l’ensemble des protagonistes. A ces valeurs,  s‘ajoute le cadre, ou j’ose dire le terrain de jeu, qui va permettre de laisser libre court à ses inspirations collectives.

En revanche, lorsque le leader visionnaire impose son innovation et que ces valeurs ne sont pas partagées, les freins sont nombreux pour pouvoir espérer une fin favorable à la concrétisation de l’innovation.

En effet, comme vu précédemment l’innovation nécessite de la créativité à chaque étape de sa mise en place. Chacun doit se nourrir des apports des réflexions des services transverses, nous sommes donc dans une relation de transparence et d’ouverture. Ce qui n’est pas le cas dans une structure pyramidale forte et une organisation linéaire. 

Nous venons d’aborder la notion de valeurs. Ces dernières, quand elles sont partagées et vécues concrètement au quotidien, sont sources de motivation pour les salariés, les dirigeants et les clients. Et oui les clients sont également concernés car nous sommes dans un monde connecté où les informations sur la façon d’être des entreprises jouent de plus en plus un rôle sur l’acte d’achat.

Voici quelques unes des valeurs reconnues par ces trois parties  

  • innovation (de facto)
  • esprit d’équipe
  • Intégrité
  • respect
  • confiance
  • liberté
  • responsabilité
  • équité
  • fierté
  • convivialité…

Je vais rebondir sur une valeur : la confiance. Le trapéziste ose se lancer dans le vide car il a confiance en la responsabilité de chacun de ses coéquipiers à effectuer sa tâche avec soin. Le cas échéant la peur peut enclencher une perte de confiance de ce dernier et par extension le risque de chute. C’est donc un vrai travail collectif.

On retrouve ici les notions de responsabilité et d’interdépendance. Lorsque l’on enclenche l’envie d’innover dans les organisations, tous les services doivent également se sentir responsable de leurs actions et savoir communiquer avec transparence sur ces difficultés, ses réussites et ses doutes. Mais au delà ces savoir faire, il est important de valider que les dirigeants et leurs collaborateurs aient les compétences et savoir être suivants

  • savoir se soutenir et se motiver
  • reconnaître les talents et les compétences de chacun
  • oser prendre des risques
  • prendre du plaisir à créer
  • accepter le droit à l’erreur
  • se remettre en question
  • apprendre à apprendre
  • savoir sortir du cadre
  • ne pas juger.

Cette liste n’étant naturellement pas exhaustive.

Il n’est donc pas nécessaire d’avoir un service R&D pour innover, mais au contraire d’avoir une structure avec un processus collectif et participatif qui fait la part belle à la transversalité. D’autant que l’innovation d’incrémentation nécessite principalement de faire preuve de bon sens.

Et oui au contraire de ce que l’on entend souvent l’innovation, qu’elle soit axée sur les produits, les services, le management, la commercialisation, l’organisation ou encore des procédés, est peu coûteuse. Très souvent de petits changements entraînent un gain de productivité, de rentabilité important. 

Alors quand l’innovation devient indissociable de la culture de l’entreprise, l’innovation de rupture nécessitera moins de frais. Les peurs liées au changement, source de perte de temps et par extension d’argent dans l’organisation, seront quasi inexistantes. Les salariés auront pris le reflexe de chercher à résoudre les difficultés rencontrées avant de faire appel à des besoins de ressources externes.

Tout comme ces trapézistes, les acteurs d’une organisation innovante traversent ces épreuves pour être dans le plaisir d’offrir à leurs clients internes et/ou externes une émotion positive. 

Alors quand je lis l’étude sur le Conseil d’orientation pour l’emploi réalisé par BVA Opinion en 2014, où je découvre que seuls 48% des salariés de PME et 62% des grands entreprises ont été sollicités pour être acteur de l’innovation, j’en déduis que nous disposons de richesses cachées au sein des organisations.

Il est peut être temps de faire émerger dans le plaisir des idées nouvelles pour faire performer l’entreprise ! Qu’en pensez-vous ?

Winston Churchill : « Le succès c’est d’aller d’échec en échec sans perdre son enthousiasme »  

1 OCDE. Oslo Manual. Guidelines for Collecting and Interpreting Innovation Data, 3rd Edition. 2005.

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